Troubles psychiques et sexualité

Dr Lionel Buron psychiatre et sexothérapeute

Article à paraitre

Contexte

Dans notre pratique clinique de sexologues , nous observons que les prises en charge difficiles sont très souvent sous-tendues par des troubles psychiques .

Statistiquement les problèmes de santé mentale sont en effet beaucoup plus fréquents chez les individus présentant des dysfonctionnements sexuels ou des problématiques conjugales .

Il apparaît important de permettre au sexologue , s’il n’est pas psy , d’acquérir quelques connaissances sur les principaux désordres psychiatriques pour lui permettre de mieux évaluer le patient et de l’orienter si besoin est .

Face à un trouble sexuel plusieurs dimensions sont à considérer :

– Existe t-il des symptômes psychiatriques sous-jacents ?

– Si oui, affiner les conséquences de ces troubles sur la réalisation sexuelle et/ou sur les dysfonction conjugales .

– Il est également utile d’évaluer la sexualité antérieure aux altérations psychiques .

– Connaître l’existence de traitements psychotropes qui perturbent la fonction sexuelle.

Nous aborderons essentiellement les dysfonctions sexuelles et conjugales rencontrées :

– Dans les troubles de l’humeur (dépression, bipolarité) .

– Les troubles anxieux : troubles anxieux généralisés , phobie sociale , troubles obsessionnels compulsifs et traumatisme psychique notamment sexuel .

– Les troubles de la personnalité ( border line, narcissique, antisociale , hystérique etc.).

– L’existence de traitements psychotropes altérant la fonction sexuelle .

– Les addictions comportementales et leurs conséquences sur la vie sexuelle .

– L’impact de traitements psychotropes altérant la fonction sexuelle .

Nous laisserons de coté le grand champs des psychoses rarement rencontrées en consultation de sexologie.

Dans la majorité des désordres précités nous pouvons observer une mauvaise image corporelle, une diminution de l’estime de soi , un appauvrissement de l’imaginaire érotique , des troubles de l’excitation , des difficultés à accéder au plaisir sexuel et des conflits conjugaux.

Dépression et sexualité

La dépression représente la 1ère cause psychologique des dysfonctions sexuelles . Réciproquement des troubles sexuels entrainent culpabilité, dévalorisation de soi, incompatibilité de couple et peuvent aller jusqu’à causer une légère dépression . Le sexe ratio F/H est de 2. Cette vulnérabilité est expliquée par les hormones féminines dans certaines périodes de la vie : puberté, phase prémenstruelle, grossesse, post-partum et ménopause .

L’état dépressif est caractérisée par une triade clinique associant :

– L’humeur dépressive qui est une tristesse pathologique .

– Le ralentissement psychomoteur .

– Et les symptômes somatiques avec notamment les troubles des conduites instinctuelles : troubles de sommeil ( insomnie ) , troubles alimentaires ( anorexie ) et troubles sexuels avec une baisse de la libido quasi constante .

En cas dysfonctions sexuelles , 21 % d’hommes présentent des états dépressifs versus 38, 3 % de femmes .

A l’inverse 53 % des patients dépressifs présentent des troubles sexuels avant même l’introduction d’un traitement antidépresseur .

La dépression n’est pas toujours à l’origine d’une diminution de la sexualité, mais peut parfois amener une augmentation de la libido .

– 23 % d’hommes dépressifs présentent une augmentation de l’intérêt sexuel allant jusqu’à des tableaux cliniques d’addiction sexuelle (hyperactivité érotique ) .

– Moins marquées chez la femme chez laquelle on observe surtout une augmentation de la masturbation ( la masturbation intervient effectivement sur la régulation de l’humeur de même que chez l’homme ).

Il existe des conséquences physiologiques de la dépression chez l’homme :

– Une hypersécrétion de cortisol entrainant une diminution de sécrétion de la testostérone et donc du désir sexuel .

– Une anxiété de performance majorée par sécrétion d’adrénaline favorisant troubles érectiles et éjaculation prématurée .

Plusieurs types de dépressions existent mais nous soulignerons le cas de la dépression masquée car elle est souvent rencontrée en consultations de sexologie. Les symptômes somatiques sont au premier plan :

– Disproportion entre des plaintes somatiques vagues par rapport au retentissement général .

– Troubles alimentaires et du sommeil.

– Dysfonction sexuelle et couple en souffrance .

Face à des symptomes sexuels, il est primordial pour le sexologue de savoir détecter une dépression sous jacente , notamment masquée .

Dans l’étiopathogénie de la dépression nous retrouvons :

– Des facteurs psychologiques : événements de vie précipitants (deuil, séparation, perte de tout ordre …) et des facteurs de vulnérabilités précoces (traumatisme psychique, carences, personnalité pathologique …) .

– Des facteurs neurobiologiques et endocriniens qui influencent la fonction sexuelle : déficit en sérotonine, noradrénaline, dopamine, anomalies endocriniennes ( hypersécrétion de cortisol, diminution de TSH ) .

– Des facteurs génétiques : dépression endogène de la maladie bipolaire (ex psychose maniacodépressive ) .

Etat maniaque

A l’inverse , l’état maniaque est le versant euphorique du trouble bipolaire.

La triade clinique associe :

– Une exaltation de l’humeur avec euphorie expansive , un optimisme sans limite et une recherche frénétique du plaisir .

– Une hyperactivité psychomotrice avec infatigabilité , ludisme , jeux de scène , chant , danse etc.

– Au niveau des trouble des conduites instinctuelles on observe des perturbation du sommeil ( insomnie précoce sans fatigue , rebelle aux traitement ) , de l’appétit ( hyperphagie ) et de la sexualité : désinhibition érotique effrénée , excitation sans filtre avec hypersexualité .

Troubles anxieux et sexualité

Troubles anxieux généralisés

Les conditions à l’épanouissement sexuel tiennent à plusieurs facteurs : la tranquillité , l’absence de signal d’angoisse, un sentiment de sécurité et de réciprocité .

L’anxiété est une émotion normale mais dans les troubles anxieux, elle devient intense, envahissante et empêche une réalisation sexuelle satisfaisante .

L’anxiété, générale ou spécifique (notamment anticipatoire) joue un rôle important dans les dysfonctions sexuelles.

La majorité des patients avec un trouble anxieux caractérisé déclarent avoir des problèmes sexuels pouvant aller jusqu’ à l’aversion sexuelle.

A l’inverse en cas de dysfonction sexuelles 19,9 % des hommes présentent des troubles anxieux versus 37,3 % des femmes.

La plupart des personnes qui vivent une insatisfaction dans leur vie sexuelle se sentent dévalorisées et anxieuses ce qui majore le trouble sexuel de départ.

L’anxiété de performance et son corollaire, la peur de l’échec engendrent une « auto observation » que Masters et Johnson ont qualifié de « rôle du spectateur ». S’ établi alors le cercle vicieux suivant : plus le sujet se demande si il va aboutir à une activité sexuelle satisfaisante moins il y parvient. Pour rompre ce cercle vicieux, une prescription classique en sexologie est le sensate focus .

Les individus ayant des dysfonctionnements sexuels et/ou conjugaux présentent des symptômes anxieux liés à des peurs plus spécifiques .

Chez la femme : peur de perdre l’effet de séduction qu’elle produit sur son homme , peur de perdre les sentiments qu’il éprouve pour elle et sa fidélité , péjoration anxieuse de l’avenir en imaginant devoir gommer sa sexuelle de femme.

Chez l’homme : peur de l’ humiliation, de perdre sa partenaire et crainte d’une aggravation de sa difficulté tout en ignorant les raisons de cette défaillance .

L’exemple de l’éjaculation précoce illustre bien cela . La peur anticipatoire de l’échec à l’approche de l’acte sexuel renforce le symptôme . Il est bien connu que le stress active notre système nerveux sympathique entrainant , entre autres , des sécrétions d’adrénaline. L’éjaculation étant elle-même régie par le système sympathique , on comprend l’influence de l’anxiété sur celle-ci.

L’adrénaline joue un rôle important inhibiteur aussi bien pour l’érection que la lubrification vaginale . Être anxieux peut ainsi entraver la dilatation des vaisseaux, qui jouent un rôle essentiel dans l’excitation sexuelle. Un cercle vicieux peut se mettre en place ainsi : vous êtes stressé, vous constatez une panne, ce souvenir vous stressera encore plus et ainsi de suite.

Chez la femme un trop-plein d’anxiété inhibe la montée de la libido, empêche la montée de l’orgasme et la frigidtité .

Chez l’homme, cela va provoquer des problèmes d’érection, une éjaculation précoce ou encore une absence de plaisir.

Phobie sociale

Chez l’homme nous observons des troubles de l’excitation, de l’orgasme et des préoccupations anxieuses autour de la performance sexuelle . Le trouble sexuel le plus fréquent est l’éjaculation précoce chez près de 50 % des patients.

Chez la femme, il y a essentiellement des trouble du désir, de l’excitation et une diminution de l’activité sexuelle.

Troubles obsessionnelles compulsifs

Les principaux traits de caractères associent indécision, doutes , prudence excessive, incapacité d’agir, dévotion excessive pour le travail et la productivité, exclusion des loisirs et des amitiés . Le sujet est trop consciencieux, perfectionniste , rigide sur la morale, l’éthique et les valeurs. Il y a collectionnisme, avarice, réticence a déléguer les taches, contrôle et mise à distance de l ’autre.

Le tableau clinique comportemental compulsif associe vérification, ritualisation et goût prononcé pour l’ordre, les règles, inventaires, l’organisation avec perte du but principal de l’activité .

L’on peut comprendre les troubles sexuels qui en découlent :

Dans la relation amoureuse

Peu d’accès aux émotions, contrôle , inhibition affective, besoin de réassurance et faible engagement . La sexualité de couple devient progressivement pauvre et ritualisée avec cloisonnement .

Sur le plan sexuel

On observe trouble de l’excitation, anorgasmie, troubles érectiles , éjaculations précoces . Le manque de satisfaction sexuelle la diminution du désir font que la majorité de ces patients arrêtent les rapports sexuels

Traumatisme psychique

En premier lieu synthétisons la clinique du traumatisme psychique avant d’envisager les désordres sexuels qui peuvent en découler .

L’événement traumatique

C’est la rencontre avec le réel de la mort ( viol, accident grave, catastrophes naturelles , attentats etc.) . Sa survenue est brutale et violente avec une dimension de surprise. Il y a une rupture radicale entre l’avant et l’après de l’évènement traumatogène .

La réaction du sujet: l’effroi

C’est un état de sidération et d’horreur qui va bien au delà de la peur et de l’angoisse de par l’imminence de la mort (physique et/ou psychique ) . L’effroi provoque une effraction de l’appareil psychique et s’internalise dans la psyché tel un corps étranger interne ( Freud ) à l’origine des symptômes ultérieurs.

La phase de latence avant la survenue des symptômes

C’est l’absence de manifestations pathologiques, elle est de durée très variable : parfois plusieurs années jusqu’à etre inexistante avec l’apparition immédiate des symptômes . L’effraction peut être suppléé : résilience par un idéal, une figure protectrice , une sublimation artistique créative (écriture, peinture…) .

Le syndrome de répétition traumatique

Son déclenchement survient très souvent suite à un événement rappelant le trauma . Le patient peut taire ses symptômes: ne pas savoir communiquer son expérience avec honte et culpabilité, Il en a parlé mais n’a pas été entendu ou pas compris .

les symptômes en sont :

Les reviviscences nocturnes sous forme de cauchemars traumatiques qui reproduisent à l’identique les conditions de la scène traumatique (effroi ) avec déroulement scénique d’images d’une précision cinématographique .

Les reviviscences diurnes : souvenirs répétitifs sous forme: d’images (flash-back ) avec importance de la sensorialité (odeurs, bruits) comme facteur déclenchant l’angoisse .

L’hypervigilance : comme une anticipation imaginaire et imminente d’une nouvelle rencontre avec la mort : état d’alerte permanent, hyperréactivité neurovégétative: irritabilité, réactions de sursaut .

L’inhibition : le sujet ne peut s’extraire de la présence réelle mais également imaginaire de la mort : vécu mortifère , détachement , insensibilité à l’environnement, incapacité à éprouver des sentiments et repli sur soi ( symptôme commun avec dépression ) .

Les fréquents motifs de consultation dues aux complications :

Troubles anxieux: l’angoisse est liée à la reviviscence et l’appréhension .

Troubles des conduites pour diminuer une angoisse insupportable comme pour se soulager en se punissant :« culpabilité du survivant » . Identification à ceux qui ont tout perdu . Cela peut être formulé ainsi : « d’autres que moi sont morts, j’aurais pu mourir moi aussi mais je suis toujours là. » .

Conduites addictives toxiques et comportementales .

Troubles de la personnalité: border line , phobique, psychopathique …

Troubles dépressifs dans 90 % des cas .

Dysfonctions sexuelles et conjugales .

Nous insistons tout particulièrement sur le traumatisme psychique dans la mesure ou un grand nombre de patients venant consulter un sexologue sont concernés : de par les dysfonctions sexuels qui en résultent mais aussi les conséquences dépressives quasi constantes , les troubles de la personnalité , les troubles anxieux pré décrits entravant l’équilibre mental , sexuel et conjugal .

Particularité des victimes d’inceste et de viol

Elles présentent tous les symptômes du traumatisme psychique mais certains sont plus spécifiques :

– La dissociation traumatique

C’est une disjonction qui permet d’éteindre la réponse émotionnelle. Elle s’explique par le fait que le cerveau libèrent des neuromédiateurs endogènes qui sont des drogues dures morphine like et kétamine-like.

Cette disjonction entraîne ainsi une anesthésie émotionnelle et physique alors que les traumas sexuels continuent . Elle donne une sensation d’irréalité, de déconnexion, de corps mort et la sensation de n’être plus dans la situation mais de la vivre de l’extérieur en spectateur . Ce phénomène de dissociation peut parfois s’installer de manière permanente donnant l’impression de devenir une automate, d’être dévitalisée, anesthésiée, confuse, avec l’impression d’être une vivante-morte ( il en est de même chez les hommes ) . Il en résulte des phénomènes de dépersonnalisation (détachement de soi) et de déréalisation (détachement de l’environnement).

– Culpabilité particulière de n’avoir pas pu se défendre , d’avoir éprouvé du plaisir ainsi qu’une culpabilité liée à l’identification à l’agresseur ( empathie voir protection à l’égard de l’agresseur qui est un mécanisme de défense afin de s’adapter au choc émotionnel causé par la violence de la situation ) .

Dysfonction sexuelles et/ou conjugales et trouble de la personnalité

Personnalité borderline (ou état limite ) .

La personnalité border line se caractérise par une angoisse abandonnique et une dépressivité anaclitique ( fort besoin des autres et de s’appuyer sur eux de manière pathologique ) .

On observe une sensibilité extrême à l’abandon et à la perte avec efforts effrénés pour éviter les abandons réels ou imaginaires.

S’y associe une instabilité et impulsivité potentiellement dommageables sexuellement , financièrement (dépenses inadaptées) ; surconsommations de toxiques (polyaddictions très fréquentes ) , tendance aux passages à l’acte , aux automutilations , aux tentatives de suicides .

L’on peut comprendre qu’au niveau amoureux et sexuel le mode de relation affectif est très instable avec des ruptures fréquentes sous tendues par une alternance idéalisation de l’autre puis rejet et dévalorisation .

Sexuellement les mises en danger sont de mise avec multiplication des partenaires , rapports non protégés, pratiques déviantes, prostitution etc. Leur vie amoureuse est jalonnée de relations aussi intenses qu’ instables ( désir amplifié puis atténué, sabotages affectifs ) .

Personnalité narcissique

Les traits de caractère du narcissique se caractérise associent orgueil, égocentrisme, attitudes arrogantes et hautaines et sens grandiose de leur propre importance sans avoir accompli quelque chose en rapport . Il y a quête excessive de l’admiration et un manque d’empathie. Cela implique une sous estimation de la valeur et des réalisations des autres. Ils estiment devoir uniquement se joindre avec des personnes aussi spéciales et talentueuses qu’eux et non avec les gens ordinaires. On observe une intolérance à la critique : ils se sentent alors humiliés et mis en échec. Ils peuvent réagir par la fureur ou le mépris ou violemment contre-attaquer.

Abordons le cas du “pervers narcissique” souvent sur-diagnostiqué dans la culture populaire. Il s’agit plus précisément d’un narcissique à tendance perverse , concept psychanalytique développé par Racamier. Il s’agit d’une perversion à but exclusivement narcissique illustrée dans la phrase: « Tuez les, ils s’en foutent, humiliez les, ils en crèvent ! ».

C’est un narcissique ou la perversité des relations interpersonnelles est au premier plan . Il manipule et ne ressent aucune culpabilité lorsqu’il blesse l’autre car incapable d’en reconnaître besoins et sentiments . Cependant, l’emprise qu’il exerce est calculée et il exploite l’autre pour parvenir à ses propres fins en utilisant mensonges, chantages et violences verbales.

L’on comprend que la victime du “pervers narcissique ” se sentent dévalorisée jusqu’à se perdre elle meme , culpabilise en faisant attention à tout ce qu’elle dit et fait pour ne pas contrarier l’autre.

La sexualité du narcissique

Dans la relation amoureuse régne la séduction, le donjuanisme , le peu d’intérêt pour l’autre avec un besoin de supériorité et de domination .

Sur le plan sexuel prédomine l’auto-érotisme, les relations sans lendemain non investies émotionnellement et le risque de passages à l’acte transgressif avec fixation vers une perversion sexuelle (paraphilie) .

Personnalité antisociale ou psychopathique

On y observe une grande impulsivité et agressivité avec un mode de fonctionnement dans l’agir à travers des passages à l ’acte , conduites violentes sans culpabilité dans des contextes d’intolérance à la frustration .

Il y a mépris et transgression des droits d’autrui , incapacité à se confronter à des normes sociales, irresponsabilité , manipulations, mythomanie, opportunisme et séduction pour parvenir à ses fins .

Il y a comme une dimension autopunitive avec répétition des actes sans pouvoir profiter des expériences . L’individu agit ses pensées et n’anticipe pas sur les conséquences.

Dans la relation amoureuse l’antisocial montre à voir une hypervirilité une capacité de séduction contrastant avec une froideur affective et un difficile accès à l’altérité . L’affectivité et la vie fantasmatique sont pauvres . C’est le cow-boy , le bad boy. Son partenaire est souvent immature et dépendant ou « sauveur » .

Sur le plan sexuel s’associent domination sexuel et risque de conduites transgressives paraphiliques .

Personnalité hystérique

Les traits de caractère de l’hystérique associent théâtralisme , labilité émotionnelle, superficialité, plaintes diverses et suggestibilité.

La quête affective permanente et la réceptivité à l’environnement entraine une souffrance si la personne n’est pas au centre de l’attention .

Dans la relation amoureuse

– Comportements de séduction sexuelle inadaptés avec provocation verbale et physique , érotisation de la relation s’opposant à des difficultés sexuelles , séduction puis retrait .

– Besoin superficiel d’être au centre de l’attention

– Peu d’investissement dans l’intimité et l’attachement (considère ses relations plus intimes qu’elles ne le sont) .

Sur le plan sexuel

– Besoin d’érotisation de la scène sociale en contraste avec la pauvreté et la facticité des affects dans l’intimité .

– Troubles de l’excitation, dysorgasmie, vaginisme

– L’intérêt sexuel reste faible

Personnalité dépendante

Le sujet dépendant autorise ou encourage autrui à prendre des décisions à sa place avec un grand besoin de conseils et de réassurance . On observe une réticence excessive à formuler des demandes par peur de perdre l’autre et une propension à faire des choses désagréables pour avoir le soutien de l’autre.

Dans la relation amoureuse

– Souci de plaire, d’être aimé, très adaptable donc peu sincère .

– Quête affective incessante, insatisfaction chronique .

– Risque de couple avec des personnalité narcissiques, antisociales et borderline. En cas de rupture l’individu se montre incapable à rester célibataire.

Sur le plan sexuel

Variation entre conformisme et perversions extravagantes en fonction du partenaire ( « caméléonisme sexuel » ) .

Vignette clinique

Pour illustrer notre sujet nous nous intéresserons aux grandes lignes de l’histoire de Norma Jeane Baker ( Marilyn Monroe ) inspirées d’une thèse de psychiatre .

La mère de Norma Jeane , monteuse de cinéma , connaît autant de liaisons sentimentales sans lendemain que de problèmes psychiatriques (régulièrement internée pour schizophrénie paranoïde) . Norma Jeane n’a jamais connu son père biologique . Du fait des défaillances maternelles , elle est ballottée dans une dizaine de familles d’accueil . Elle est violée à 8 ans par le locataire d’une de ses tutrice et fût placée à 9 ans à l’orphelinat de Los Angeles. .

Pour s’échapper, elle se marie à 16 ans avec un marin qu’elle appelle “Daddy” et dont elle divorce rapidement .

Marilyn eu recours à un psychanalyste , Ralph Greenson. La thérapie est hors de tout cadre , sans limite dans un rapport de fascination mutuelle . Il s’en suit un véritable amour passionnel, sans distance dans une relation anaclitique vouée à l’échec . L’analyste est à la fois le mentor , son père de substitution, son fournisseur de psychotropes , son gestionnaire et finalement le spectateur médusé de sa mort .

Sur le plan amoureux et sexuel son parcours est très chaotique : multiplication des conquêtes amoureuses , nombreux amants par goût pour les rencontres de hasard, relations brisées, trois divorces dont le dernier ( avec Arthur Miller, un dramaturge new-yorkais) 18 mois avant sa mort .

Vers la fin de sa carrière elle est renvoyée par les studios Hollywoodiens suite aux conséquences de sa dépression et de ses addictions. Elle se suicide à 36 ans par overdose de barbituriques .

Au niveau psychiques nous voyons bien la succèssion des abandons multiples dans l’enfance, un traumatismes sexuel et les ruptures . Se met en place une organisation de personnalité de type border line avec dépressivité , angoisses abandonniques , addictions à l’alcool et aux psychotropes, passages à l ’acte suicidaires à répétition (la première à 20 ans ) dans des contexte de déchirures et de pertes (fausses couches lors de son 3ème mariage ) .

L’on peut comprendre comment ces troubles eurent un impact sur sa vie sexuelle et amoureuse .

Sa structuration psychique est centrée sur l’instabilité maternelle, l’absence du père, le vide symbolique et sa solution imaginaire , un idéal du moi grandiose avec prédominance du clivage sur le refoulement :

– D’un coté Marilyn Monroe , la face éclatante d’une autre scène , continuant à mobiliser les désir et les fantasmes . Elle ne trouvait de raisons d’exister que sur l’écran ou sous le regard des autres , emportant avec elle les foules .

– De l’autre Norma Jeane Baker originellement abandonnée se sentant structurellement dévalorisée dès l’instant où elle était seule face à elle-même, au point qu’elle ne pouvait supporter cette solitude sans l’appoint de drogues ou de pratiques qui frisaient la nymphomanie. Dans l’intimité Il faut à ses employeurs ou à ses hommes une patience à toute épreuve pour supporter ses fractures , ses caprices et ses absences inexpliquées. Personne ne pu ainsi retenir Norma Jeane dans cette vie , projetant alors Marilyn au rang de mythe , à une place unique et exemplaire dans le panthéon des icônes du sex-appeal .

Impact des psychotropes sur la sexualité

La présence de traitements psychotropes altèrent très souvent la fonction sexuelle. Il est nécessaire d’en savoir quelque chose même si l’on n’est pas prescripteur . L’action des psychotropes influence les neurotransmetteurs impliqués dans la réponse sexuelle (dopamine, sérotonine, noradrénaline acétylcholine). Ils peuvent aussi entraîner des perturbations hormonales contribuant à annihiler une réponse sexuelle adéquate (prolactine, œstrogènes, testostérone etc.). Il existe , de plus, tout l’impact sexuel de la sédation, du ralentissement et de la prise de poids .

Antidépresseur inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine

Ce sont les Deroxat, Prozac , Effexor (qui intervient aussi sur la noradrénaline ) Seroplex, etc.

Il est important de prendre en considération les symptômes de détresse sexuelle dus à la dépression au début du traitement par l’anamnèse .S’il existe un changement dans la réponse sexuelle il faut se poser les bonnes questions afin de savoir si les antidépresseurs sont vraiment responsables des troubles :

– Est-ce que le trouble est principalement survenu après la prise du médicament ?

– Est-ce qu’il persiste malgré le fait que le patient se sente mieux ?

Leurs effets secondaires sexuels sont dose dépendants sur toutes les phases de la réponse sexuelle dans plus de la moitié des cas : diminution du désir, troubles de l’excitation, trouble de l’orgasme et éjaculation retardée.

Chez la femme: la lubrification vaginale se fait plus difficilement et l’orgasme peut être retardé.

Chez l’homme : il existe le plus souvent dysfonction érectile et éjaculation retardée.

Face à ces effets divers le mieux est d’en référer au prescripteur qui adoptera la stratégie la plus adéquate : diminuer la dose, attendre pour permettre la tolérance, changer l’heure de la prise (après le rapport sexuel plutôt qu’avant), prescrire une fenêtre thérapeutique (Week end). L’ajout d’un IPDE-5 est parfois utile.

Antidépresseurs classiques tricycliques ( Anafranil, Laroxyl )

Ils sont de moins en moins utilisés (beaucoup d’effets secondaires ) sauf dans le cas des dépressions résistantes et graves ( ou il est possible de les employer en perfusion )

Dans la très grande majorité des cas les effets secondaires sexuels sont : diminution du désir sexuel, effet négatif sur l’excitation, troubles de l’orgasme, éjaculation retardée .

Au-delà des effets directs liés aux cibles biochimiques (acétylcholine ) , ces effets sont aussi dus à effets indirects : gain de poids, sédation, hypotension artérielle , sécheresse des muqueuses, diminution du volume séminal .

Les thymorégulateurs , traitement de choix des troubles bipolaires

Le lithium en lui-même induit peu d’effets indésirables sexuels mais il faut tenir compte des effets indirects ( prise de poids, ralentissement , hypothyroïdie possible ).

Le Tégrétol n’est pas favorable, il augmente la prolactine et diminue la testostérone.

Le valproate (dépakine , dépakote , dépamine ) affecte peu la sexualité.

La Lamotrigine ( Lamictal) est dans le domaine sexuel le premier choix mais son indication ne concerne que les trouble bipolaires à expression seulement dépressive sans accès maniaque .

Les Benzodiazépines

Ce sont les anxiolytiques type Lexomil , Xanax, Seresta, Valium, Tranxene , Lysanxia etc.

À faible dose, ces médications peuvent améliorer la sexualité en levant une partie des inhibitions mais il est bien évident que les benzodiazépines ne sont absolument pas indiquées dans les dysfonctions sexuelles secondaires à un trouble anxieux du fait de leur fort pouvoir de dépendance .

À dose élevée, elles altèrent la sexualité qui nécessite énergie et proactivité .

Impact des addictions comportementales sur la sexualité

Les addictions comportementales ou addictions sans substance se caractérisent par l’impossibilité de contrôler la pratique d’un comportement . Une sensation de tension croissante se met en place avant de passer à l’acte et au moment de l’activité, la personne ressent un plaisir et un soulagement.

– Jeux de hasard et d’argent (gambling disorder)

– Jeux vidéos (gaming disorder).

– Dépendance à Internet (également nommée cyberdépendance, cyberaddiction) qui fait référence à un trouble psychologique caractérisé par un besoin excessif et obsessionnel d’utiliser l’outils numérique internet jusqu’à interférer sur la vie quotidienne.

– L’addiction à la pornographie est un comportement addictif, au sein duquel un individu consomme de façon excessive des vidéos à caractère sexuel accompagné d’une pratique de la masturbation. Le visionnage de porno n’est pas un problème en soi, mais cela le devient lorsqu’on entre dans l’addiction.

– Dans les classifications nosographique le terme d’addiction aux écran n’est pas encore validé mais il est reconnu scientifiquement sous la dénomination « d’usage problématique des écrans  » . Des sites Internet ou des réseaux sociaux utilisent des mécanismes pour attirer le regard ou l’écoute, avec des techniques adaptées aux écrans (flashes, pop-ups, montages accélérés…) à des fins commerciales. Une partie de l’attention est activée par la recherche du plaisir immédiat. Là aussi, ce mécanisme est entretenu par les éditeurs numériques qui jouent sur le lien plaisir/récompense. A titre d’exemple, une étude américaine a montré que le fait de recevoir des likes sur Facebook libérait de la dopamine, hormone au cœur du circuit de la récompense (plaisirs ) et du processus addictif .

L’on peut comprendre que ces addictions comportementales peuvent influer sur la vie sexuelle et la conjugalité en détournant la sexualité réelle vers les jeux vidéos et d’argent en ligne , les écrans et l’addiction au cybersexe .

C’est ce que semble montrer l’enquête d’opinion récente de l’ IFOP évoquant une sex-récession concernant la sexualité des Français. Ce qui apparait particulièrement saisissant est l’ascension de l’inactivité sexuelle chez les jeunes . 28 % des 18-24 ans admettent ne pas avoir eu de rapports en un an, soit cinq fois plus qu’en 2006 (5 %) ! Les plus de 24 ans sont également concernés dans une moindre mesure . Parmi les facteurs évoqués l’étude semble faire un lien avec la forte consommation d’écrans et notamment la consommation des réseaux sociaux, des jeux vidéos et des jeux d’argent en ligne . Ces consommation peuvent être vues comme un détournement et un empêchement à l’amour . Ce détournement vers les écrans, voire le jeu vidéo en ligne, apparait comme une façon nouvelle de refuser le rapport sexuel.

Conclusion

Nous avons pu montrer que les dysfonctionnements sexuels et les problématiques conjugales peuvent être la conséquence de troubles psychiques sous jacents .

Dans leurs pratiques cliniques , notamment dans les prises en charges difficiles , les sexologues sont donc souvent confrontés à des patients présentant des symptômes psychiatriques , même légers.

Il semble nécessaire que les sexologues non « psy » puissent acquérir quelques repères sur la sémiologie des principales pathologies psychiatriques . Une interdépendance entre troubles psychiques et sexualité existe , nous la rencontrons dans nos consultations . Pouvoir ainsi faire, si possible, un lien entre des symptômes sexuels et des désordres psychologiques enrichit la qualité de nos soins , permet une meilleure évaluation voir une éventuelle orientation si besoin est. Cela confirme une fois encore tout l’intéret d’une approche pluridisciplinaire complémentaire de la sexologie .

Mots clés : pathologies psychiariques, dysfonctions sexuelles, problèmatiques conjugales , psychotropes , prises en charge sexologiques difficiles .

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