Prof Marco Schetgen
Médecin généraliste et sexologue
Ancien Doyen de la faculté de médecine ULB
Comme dans beaucoup d’autres métiers, entre autre dans le domaine de la santé, les sexologues sont soumis à des règles déontologiques édictées, selon les pays, par un ordre ou une association professionnelle de sexologues. Il s’agira de déterminer les règles juridiques ou morales que les sexologues devront respecter.
En plus des règles que l’on retrouve dans la plupart des prescrits déontologiques des autres métiers de la santé, basés sur le respect de la relation avec les patients, mais aussi avec les collègues, les sexologues sont amenés à réfléchir sur des aspects spécifiques de leur métier, liés à « l’intime » et à un travail interdisciplinaire de plus en plus prôné pour prendre en charge de manière globale et complète les patients.
Pour les sexologues, leur propre code de déontologie vient parfois se superposer à celui de leur formation de base, allant de la psychologie à la médecine en passant par la kinésithérapie, les soins infirmiers, le métier de sage-femme ou encore, sans être exhaustif, la sociologie ou le droit.
La déontologie découle partiellement de l’éthique et de la morale prônées au sein de la société. Elle est donc variable selon les cultures et les époques. La perception de la sexualité évoluant fortement ces dernières décennies au sein de notre société, la déontologie a été amenée à s’adapter à ces changements. L’éthique nous aide à réfléchir sur les questions fondamentales de l’existence car c’est l’étude de ce qui constitue la conduite morale. L’éthique est ainsi une branche de la philosophie, à savoir précisément la philosophie morale.
De tout temps, l’éthique et la morale ont tenté de définir le bien et le mal mais cette définition est souvent subjective et va dépendre de notre culture, de nos expériences et de nos propres opinions. En sexologie nous apprenons à ne pas avoir de tabou et à ne pas juger nos patients et leurs actes, mais en même temps nous nous devons de mettre en avant ce qui est lié au respect de l’autre comme par exemple le consentement.
Ce qui va guider en partie la déontologie des sexologues ce sont des caractéristiques propres à notre profession, comme les confidences et la révélation de « secrets » autour de l’intimité la plus profonde. Plus encore que dans d’autres professions de la santé cet intimité est propice au transfert et au contre transfert. Nous devrons de plus combiner notre propre éthique d’être humain avec l’éthique de nos patients et avec notre éthique professionnelle, précisément définie par un code de déontologie.
Comme le rappelle très justement Francis Collier, « l’accompagnement devra être basé sur des connaissances scientifiques et notre propre conscience. Il devra connaitre les règles que la vie en société exige et écouter sans jugement le patient en le respectant. Il sera parfois confronté à une certaine forme de « normalité » qui est présent dans l’inconscient collectif ». C’est donc parfois un vrai rôle d’équilibriste dans lequel les règles de déontologie permettent de nous orienter.
Plus encore que dans d’autres métiers le maintien d’une certaine distance avec le patient et l’impartialité seront au cœur des règles déontologiques.
Comme l’écrivait René Chassot, ancien vice-président de l’ordre des médecins français, « la posture professionnelle la plus adaptée est de ne pas dire ce qui est bon ou mauvais, moral ou amoral, car la science se doit simplement d’éclairer sur le risque que prend le sujet en choisissant un comportement de préférence à un autre ».
Les axes qui devront être au centre de nos préoccupations déontologiques sont nombreux englobant l’information et le consentement du patient, le secret professionnel, les règles de consultation, le respect de l’intimité, l’interdiction de la publicité et dans des domaines plus scientifiques, la recherche en sexologie et la nécessaire mise à jour des connaissances.
Il serait trop long de reprendre en détail toutes ces règles mais épinglons certaines plus spécifiques à notre profession.
Par exemple, comme évoqué plus haut, le transfert est fréquent dans une consultation de sexologie et une des recommandations essentielles sera d’éviter un contre transfert qui serait dangereux en tentant d’échapper aux risques nés d’un usage abusif du savoir ou du pouvoir sur nos patients, imposant encore plus que dans d’autres métiers une distance physique et/ou psychologique. Bien entendu, les codes de déontologie prévoient des exceptions lors par exemple de thérapies sexo-corporelles ou lorsque le sexologue est un médecin amené à faire un examen physique dans la recherche d’un diagnostic.
Dans le domaine de la collaboration, travailler en équipe et référer quand nos connaissances limitent notre approche, sont deux principes essentiels que le bon sens et la déontologie recommandent.
Le prix des consultations n’étant pas fixé, comme dans d’autres métiers de la santé, la déontologie recommande la modération lucrative, la situation économique du patient ne pouvant faire obstacle à des prises en charge de qualité.
Enfin, le secret professionnel est très stricte et très large s’étendant à ce que le sexologue a vu, connu, appris, constaté, découvert ou surpris dans l’exercice de sa profession. Il porte notamment aussi sur le fait même du recours du patient au sexologue. Des exceptions sont logiquement édictées lorsque le but sera de protéger son patient, par exemple en cas de danger grave ou en cas de patients mineurs. Le secret s’étend bien évidemment aussi aux prises en charge alliant les thérapies de couples et les séances individuelles, afin de garantir une confiance maximale entre le sexologue et ses patients.
Les règles de déontologie dans notre métier sont en perpétuelle évolution et amélioration. Elles évolueront certainement encore dans l’avenir mais en mettant toujours, à juste titre, le patient au centre de la réflexion.