Impact de la pornographie sur la sexualité des jeunes

La pornographie a toujours existé. Le monde actuel numérique ne lui donne aucune limite en lui offrant un support de diffusion infini, accessible à tous, y compris aux enfants et aux adolescents.
La « consommation » de pornographie dépendait autrefois d’un acte délibéré. Elle est désormais inévitable. Sans même chercher à regarder, l’œil est soumis à la “vision” pornographique.
La pornographie réduit la sexualité aux sexes (visibles, réels) et à un acte envisagé sous l’angle de la performance . La rencontre la séduction et les rapports amoureux sont absents des scénarios. L’acte s’opère directement comme un raccourci dans ce qu’il y a de plus sexuel sans s’embarrasser de l’affectivité et du désir.
La seule vocation de la pornographie est de donner un plaisir et une jouissance immédiate avec cette dimension de besoin impérieux . Le porno évacue la quête de l’autre et la passion pour se représenter comme le kit d’un « prêt à jouir » .

Avant la puberté (11-12 ans), l’enfant n’a pas les outils pour recevoir des images pornographiques qui arrivent sur un terrain immature. La confrontation ponctuelle à de telles images est certes intrusive sur le moment mais elle peut être réparée si elle est racontée par l’enfant, si des adultes en discutent avec lui.

A l’adolescence, la rencontre avec la pornographie arrive dans une période plus structurée en marche vers une sexualité agie. Une construction de ses propres représentations de la sexualité a déjà débuté.
L’ado “lucide” est plus apte à faire la part des choses entre une image sur internet et la réalité, sait que l’homme n’est pas toujours en érection, hyper viril et dominateur, et que la femme n’est pas toujours consentante et excitée !
Les ados utilisent la pornographie comme source d’information sur la sexualité et soulignent l’impact de ce support dans leurs activités sexuelles.
En matière d’éducation sexuelle, l’apport du seul porno n’est bien sur que partiel et insatisfaisant . Le risque est qu’il se substitue à la vie sexuelle réelle.
Par ailleurs, l’hypersexualisation de la société occidentale moderne a des incidences : la parole sur la sexualité est plus libre , la tolérance en matière sexuelle est plus grande qu’avant et la pornographies s’inscrit dans un mouvement d’érotisation de la culture contemporaine ou le voir pornographique est inévitable .
Mais le sociétale se différentie de l’intime ! Etonnement, l ‘âge du premier rapport n’a quasi pas changé depuis 50 ans . Le garçon a toujours peur de rencontrer une fille et celle-ci s’interroge toujours de savoir si ce garçon l’aime…

Il est important de souligner que ces dérives concernent les adolescents les plus fragiles ou la rencontre avec la pornographie peut être pathologique .

Cliniquement , l’addiction au porno se traduit par le visionnage de vidéos de manière compulsive pour atténuer une tension interne avec risque d’un enfermement dans le soi à soi qui ne relève plus du désir mais du besoin pulsionnel et de sa satisfaction immédiate.
Comme dans tous troubles addictifs, il peux exister des comorbidités psychiatriques favorisant la survenue d’une dépendance au cybersexe: symptômes dépressifs , troubles anxieux ( phobie sociale, TAG, TOC…), addictions aux toxiques etc .
Par ailleurs certains traits de caractère sont facilitateurs dans la survenue de cette addiction : inhibition sexuelle, recherche de sensations fortes, difficultés relationnelles interpersonnelles , abandon, manque d’estime de soi etc .

Il ne concerne qu’une petite minorité de jeunes et dans cette petite minorité les enfants sont principalement impactés .
De par l’afflux des excitations provoquées par les images , il y a effraction de l’appareil psychique (viol scopique ) . S’en suit une réaction d’effroi , évoluant vers la peur d’une possible agression contre eux avec doute sur les intentions et les capacités protectrices des adultes à même de devenir des sauvages quand ils sont tout nus…

Il n’y pas, à ce jour, de lien établi entre consommation de pornographie à l’adolescence et violences sexuelles après coup . Il existe cependant chez certains adolescents des comportement sexuels violents avec fixation perverse .
Les individus prédisposés à des comportements sexuels répréhensibles seraient plus impactés par la pornographie . Celle- ci désinhiberait leurs pulsions et rendrait le passage à l’acte dans des comportements sexuels déviants psychologiquement moins contraignant. Le consentement des partenaires sexuels est une des lignes rouges qui permet de départager pratiques sexuelles saines et violences sexuelles répréhensibles . Ainsi la pornographie (comme les jeux vidéos violents ) ne serait qu’un déclencheur de comportements violents déjà latents.

Pour les garçons ( taille du pénis, durée et dureté de l’érection ) comme pour les filles ( taille de leur seins, pubis assez épilé ou pas, injonction à avoir des orgasmes , capacité par rapport à la fellation etc.)
La pornographie mobilise davantage la performance que la compétence sexuelle .

Parler plus tôt de sexualité (d’intimité, de respect, d’amour, de tendresse…) dans la famille et les lieux de socialisation aidant ainsi l’individu dans sa construction avec l’importance de mêler le sexuel au versant affectif.
Expliquer que l’imaginaire occupe une grande place dans les rapports sexuels et amoureux .
Parler de l’artifice de la pornographie et des questions qu’elle ouvre en les inscrivant dans la relation parent–ado ou adulte-ado. Fabriquée comme un film de fiction, la pornographie donne une vision virtuelle de la sexualité. Elle peut être vue comme ayant une fonction « bouche trou » opérant un substitut de réalisation sexuelle, tout en faisant l’économie du désir. Elle se présente comme un objet partiel, toujours disponible au besoin immédiat, apparemment docile et maîtrisable . Alimentant à la fois l’excitation et son soulagement, tout en faisant l’impasse sur le fantasme , le désir et la relation.
L’adulte mal à l’aise se doit d’éviter de se protéger dans la facilité des injonctions moralisante du type : « la pornographie, c’est mal ! C’est sale ! etc. » Cela est inopérant car ni positif , ni constructif . Le jeune attend des réponses plus convaincantes et structurantes dans la construction de sa sexualité future .
Pour les ados l’accent est mis sur la nécessité de ne pas diaboliser (sans banaliser…) l’accès aux contenus pornographiques. La pornographie n’est ni bonne, ni mauvaise, c’est l’absence de parole autour des sensations et des représentations générées qui peut s’avérer dommageable.

Références bibliographiques

Arcom. Rapport mai 2023. “La fréquentation des sites adultes par les mineurs”.
Bonnet, G. 2003. Le défi à la pudeur : quand la pornographie devient l’initiation sexuelle des jeunes, Paris, Albin Michel.
Puglia, R. ; Glowacz, F. 2015. « Consommation de pornographie à l’adolescence : quelles représentations de la sexualité et de la pornographie, pour quelle sexualité ? », Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, n° 4.
Smaniotto, B. 2017. “Réflexions autour de l’impact de la pornographie sur la sexualité adolescente”. Revue de l’enfance et de l’adolescence n° 95.

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