Dr Gérard Tixier Psychiatre psychanalyste sexothérapeute
“Moi , je suis en pleine tourmente , à la fois exultant et effrayé …En arrivant le dimanche matin , dès que je la vois , le désir me suffoque …Tant de choses obscures se déchainent en moi que je crains d’être disloqué , anéanti…” C’est ainsi que s’exprime le héros de Charles Juliet dans l’année de l’éveil , lorsqu’il découvre les premiers émois de sa première étreinte amoureuse , comme une déflagration qui saisit tout son être .
L’éveil érotique , on le voit , se caractérise par une grande violence émotionnelle – on est loin de l’érection du nouveau-né qui serait la démonstration inaugurale que tout son corps est sexuel et il importe d’en tenir compte , de la ressentir en pleine conscience , sans honte ni peur , afin de l’intégrer dans certaines situations délicates de la vie érotique . L’on comprend qu’il faille toute cette maturation de l’enfance à l’adolescence pour que l’ensembles des sites énergétiques au niveau des zones cruciales du corps, investies par la libido comme zones érogènes , soit finalement fédéré par les organes génitaux . Ceux ci sont , en quelques sorte , rendus mentalement compatibles avec un afflux de sensations que bouleverse l’irruption de l’autre . La rencontre sexuelle rend alors possible la propagation des ondes de plaisirs sans provoquer un désordre intérieur trop intense . Il y a lieu de retenir que l’érotisation du corps lors d’une histoire d’amour naissante , peut provoquer à l’adolescence , un véritable tumulte dont certains redoutent les effets , tandis que d’autres les subissent de plein fouet s’ils sont peu structurés psychiquement ou déstabilisés ( risque de dépersonnalisation ou de devenir des objets sexuels ) . Mais les adultes n’échappent pas à un (r)éveil érotique trop brutal , soit après une longue période d’abstinence , d’impuissance , de frigidité , une maladie , soit lors d’une passion avec forte idéalisation , soit encore lors de la reprise de contact sensuel qui suit une rupture . Se pose la question du désir aux prises avec la peur , laquelle ayant la fâcheuse tendance à le neutraliser voir à l’étouffer . La problématique de la libido avec ses implications tout autant physiologiques , comportementales , que relationnelle demeure plus que jamais un sujet de réflexion pour les sexologues confrontés à des couples en proie aux doutes, à la confusion , à la hantise du rejet et du désamour …Refaire surgir un désir ainsi malmené est un défi , savoir ressusciter de l’éveil érotique relève plus de l’art que des artifices . Pouvoir s’éveiller érotiquement est un état de grâce qui échappe à la pure technique , c’est une qualité qui reflète une connaissance du vide , un amour de l’intime , une quête de l’autre en soi .
Références bibliographiques
Alberoni F , Je t’aime , Paris Pocket , 1998
Juliet C , L’année de l’éveil . POL Paris 1991
Tixier G , Le Sperme . PUF , Paris , 1994.